Tour de France : une course épique et légendaire en 11 exploits mémorables

Tour de France : une course épique et légendaire en 11 exploits mémorables

Pogacar en jaune
A.S.O./Pauline Ballet

L’histoire du Tour de France a laissé toute une collection d’exploits de cyclistes qui ne font que sublimer la course et en font un lien direct avec la légende, en complicité évidente avec les paysages somptueux de ses parcours.

Les ingrédients sont clairs : un ou plusieurs cols de montagne, une ville, un coureur qui accepte le défi de tout miser sur un objectif…

C’est ainsi que se sont écrites les plus belles pages du Tour de France, avec le courage et la détermination de bon nombre de champions. Jetons un coup d’œil à certains des plus grands moments.

Tour 1948 : la remontée de Bartali dans les Alpes

Gino Bartali à vélo
Gino Bartali a frappé un tel coup dans les étapes alpines du Tour 1948 qu’il a fini par remporter le Tour de France avec plus de 25 minutes d’avance sur le deuxième.

Le 14 juillet 1948, Gino Bartali dort à Cannes, à 21 minutes du leader du Tour de France, le jeune Louison Bobet, qui l’a rattrapé la veille. Il reste encore trois étapes alpines à franchir, certes, mais l’ancien champion, qui va bientôt avoir 34 ans, semble avoir abandonné la lutte.

Mais les choses ont changé avec un appel à l’hôtel du Premier ministre italien, Alcide de Gasperi, qui a supplié Bartali de gagner pour le pays, que le pays était au bord de la guerre civile à cause de l’attaque contre le leader communiste, Palmiro Togliatti, et que le peuple avait besoin de voir son héros gagner : « Tu peux faire beaucoup pour l’Italie« , a-t-il entendu.

Que ce soit en raison de l’appel ou de sa propre fierté de champion, Bartali est entré en action le jour suivant, le 15 juillet. C’est son terrain : 274 kilomètres jusqu’à Briançon, avec les montées des cols d’Allos, Vars et Izoard. Et pour couronner le tout, le temps était mauvais dans les Alpes, exactement comme il l’aime. Jean Robic a gravi les deux premiers cols, Bobet a souffert. La course a atteint l’Izoard, où Bartali a fait une grande percée. Il est parti en solo et a gagné à Briançon après plus de dix heures d’étape. Robic n’a pas pu le suivre, et Bobet a perdu plus de 19 minutes. Le Monje Volado est maintenant à moins de deux minutes du jaune.

Le lendemain, deuxième attaque : Bartali gravit le Galibier et la Croix de Fer en fanfare, et arrive à Aix-les-Bains avec près de six minutes d’avance sur Stan Ockers, deuxième. Bobet avait plus de sept minutes de retard et le maillot jaune est revenu au coureur toscan.

Mais Bartali n’en a pas fini : le lendemain, 18 juillet, il s’impose à nouveau en solitaire à Lausanne, après une nouvelle traversée des Alpes de huit heures et demie. C’est l’aboutissement de son travail : trois victoires consécutives, pour passer de 21 minutes de retard sur Bobet à laisser le Français à plus d’une demi-heure.

Bartali a terminé le Tour avec 26 minutes d’avance sur Stan Ockers, deuxième, et avec sept victoires d’étape. Il a écouté le Premier ministre : il a remporté le maillot jaune à Paris dix ans après cette première fois avant la guerre mondiale, en 1938. Il l’a fait avec la plus belle démonstration jamais réalisée en montagne.

Tour 1951 : Hugo Koblet se fait remarquer à Agen avec un furoncle

Hugo Koblet
Koblet a mené une spectaculaire échappée solitaire de 100 kilomètres pour remporter le Tour 1951 (Dutch National Archives).

La veille, Hugo Koblet avait enduré un calvaire de 216 kilomètres sur la dixième étape du Tour de France 1951, celle remportée par Bernardo Ruiz à l’arrivée à Brive. Un furoncle dans ses parties intimes avait à peine laissé le suisse s’asseoir sur la selle. Koblet avait à peine atteint la ligne d’arrivée, avec le temps perdu et l’ombre de l’abandon qui planait sur lui.

À l’hôtel, les médecins commencent par lui dire qu’il faut le couper, mais il écarte rapidement cette option car cela signifie dire adieu au Tour. Puis, quelqu’un a suggéré une solution d’urgence : les suppositoires de cocaïne. Il n’y a pas de contrôles antidopage et, pour les grands maux, les grands remèdes. Il n’y avait rien d’autre à faire.

La 11ème étape, longue de 177 kilomètres, n’était guère difficile sur le chemin d’Agen. On a dit à Koblet de se ménager, de s’en sortir du mieux qu’il pouvait et puis on verra. Mais une heure après le début de la course, le Suisse a attaqué sur un virage et a quitté la course, emmenant le Français Louis Deprez dans sa roue, qu’il a relâché après quelques kilomètres. Derrière, les autres favoris, les Ockers, Coppi, Robic, Magni, Géminiani et compagnie, ont laissé faire.

Il reste plus de cent kilomètres à parcourir et Koblet est toujours seul. Tout cela ressemble à du bluff, et c’est ainsi que son manager, Alex Burtin lui demande : « Qu’est-ce que tu fais, jusqu’où comptes-tu aller comme ça, à cette vitesse ?”. Et Koblet, qui roulait comme un homme possédé, la tête enfoncée dans le guidon, de répondre : « Jusqu’à la ligne d’arrivée« .

La sonnette d’alarme a été tirée chez les favoris, qui ont mis de côté leurs équipiers grégaires et se sont réunis pour organiser la poursuite. Mais Koblet n’a pas lâché et a maintenu le rythme avec une avance de plus de trois minutes. Il est arrivé à Agen en gagnant la bataille avec une avance de 2:35 minutes, après avoir résisté à une poursuite vorace de plus de trois heures.

Quelques jours après l’exploit, sur la route de Bagnères de Luchon et avec le Tourmalet entre les deux, Koblet s’échappait avec Fausto Coppi, gagnait l’étape et prenait le maillot jaune, qu’il ne lâcherait plus jusqu’à Paris. Le 18 juillet, le furoncle n’était plus qu’un mauvais rêve.

Tour 1952 : Coppi conquiert l’Alpe d’Huez et s’envole pour Sestriere

Fausto Coppi
Coppi remporte la première édition du Tour sur l’Alpe d’Huez et le lendemain, il remporte la Croix de Fer, le Télégraphe, le Galibier et le Montgenèvre.

Fausto Coppi arrive au Tour de France 1952 pour le doublé. Il Campionissimo venait de remporter un autre Giro d’Italia, cette fois contre Fiorenzo Magni. Il était motivé, car il devait aussi rattraper son mauvais Tour 1951, avec cette indigne dixième place, 46 minutes derrière Hugo Koblet.

Le 4 juillet, Coppi n’est pas encore le leader : le maillot jaune est porté par son fidèle Andrea Carrea, le grégaire de luxe qui l’avait aidé à remporter le Giro. C’est le jour où le Tour de France a gravi l’Alpe d’Huez pour la première fois de son histoire, après 266 kilomètres de traversée alpine. Juste au début de la nouvelle montée, Fausto s’est échappé avec Jean Robic, le petit grimpeur français, l’un des rares capables de le mettre en difficulté. Les deux hommes ont creusé un écart, jusqu’à ce que Coppi lance l’attaque décisive à six kilomètres de l’arrivée, seul, pour conquérir l’Alpe d’Huez pour la première fois. Il sera le nouveau maillot jaune avec cinq secondes d’avance.

L’écart était trop faible pour Coppi, qui avait besoin de plus. Le lendemain semblait idéal pour l’augmenter : 182 kilomètres de Bourg d’Oisans à Sestrières, avec pas moins que la Croix de Fer, le Télégraphe, le Galibier, le Montgenèvre et la montée finale. Fausto les a tous dépassés et s’est imposé sur la ligne d’arrivée avec 9:33 minutes sur Stan Ockers, 10:09 sur Gino Bartali, 11:24 sur Jean Robic… Le coureur le plus proche était Bernardo Ruiz, 7:33 derrière.

« Coppi était un phénomène, le meilleur de l’époque et peut-être de l’histoire« , dira des années plus tard le coureur d’Alicante à propos de celui qui remportera le Tour 1952 avec près d’une demi-heure d’avance. C’était un chef-d’œuvre.

Tour 1958: Charly Gaul

Charly Gaul
Le Luxembourgeois Charly Gaul a réduit son avance de plus de 15 minutes lors de la dernière étape de montagne du Tour 1958, qu’il a ensuite remporté.

Le jeune Jacques Anquetil arrive au Tour de France 1958 pour défendre sa victoire de l’année précédente. À 24 ans, il faisait partie des favoris, malgré les remous au sein de la direction de l’équipe de France. Cependant, la route a dicté une nouvelle loi et a soulevé les grimpeurs légendaires, notamment Charly Gaul.

Le Luxembourgeois a frappé un premier coup contre Anquetil sur son terrain, en le battant de sept secondes dans le premier contre-la-montre, sous la pluie à Chateaulin, son habitat naturel. Le second était encore plus catégorique : Gaul a battu Bahamontes dans le contre-la-montre du Mont Ventoux et a fait reculer Anquetil de plus de quatre minutes, ce qui le place en troisième position au classement général.

Mais les choses se gâtent à nouveau le lendemain, lorsque le leader Raphaël Géminiani part pour Gap avec Anquetil, Nencini et quelques autres hommes importants. Gaul et Bahamontes ont ressenti les effets de leurs performances dans le contre-la-montre et n’ont pas réagi ; ils ont perdu dix minutes. Le coup est brutal : le Luxembourgeois a un quart d’heure de retard sur le maillot jaune, et il ne reste qu’une étape de montagne, celle de Briançon à Aix-les-Bains, avec les cols de première catégorie de Luitel et Porte, plus Cucheron et Granier.

Le grand exploit a eu lieu le 16 juillet, sous la pluie, comme l’aime Charly Gaul, qui n’a pas tardé à rejoindre Bahamontes sur les premières rampes de la Luitel. Mais l’Espagnol de Tolède n’allait pas bien et ne pouvait pas suivre le Luxembourgeois, qui volait vers le sommet de la montée, dépassant les restes d’une échappée.

Dans la descente, Gaul est parti en échappée, a pris la tête et a atteint le sommet du col de Porte avec une avance de plus de quatre minutes. Là, Anquetil a sombré, et l’écart est devenu abyssal : sur Cucheron, l’avantage était de plus de cinq minutes, sur Granier il est monté à six… L’Ange de la Montagne a fini par remporter l’étape avec 7:50 minutes sur Jan Adriaensens, 10:09 sur Vito Favero, 14:34 sur le leader Géminiani, 19:01 sur Nencini et Bobet… Anquetil est arrivé submergé, avec plus de 23 minutes de retard.

Gaul passe à la troisième place du classement général, à 1:09 minutes du nouveau leader, Vito Favero, et à seulement 28 secondes de Géminiani. Il leur donnera à tous deux le coup de grâce dans le contre-la-montre de Dijon, à la veille de Paris, où le Luxembourgeois connaîtra la gloire en remportant le Tour de France.

Tour 1964 : la dernière danse de Bahamontes dans les Pyrénées

Bahamontes
Federico Martín Bahamontes a été élu meilleur grimpeur du Tour de France de tous les temps en 2013 (Michiel Hendryckx, Creative Commons).

Après une série de grands exploits et un tête-à-tête mémorable avec Anquetil, Bahamontes en veut plus dans le Tour de France 1964, et est déterminé à monter sur le podium et à remporter le Grand Prix de la Montagne pour la sixième fois.

L’Aigle de Tolède a gagné seul à Briançon, et il a atteint les Pyrénées en mesure d’atteindre les deux objectifs. Il a compris que l’opportunité se trouvait dans la 16ème étape, de Luchon à Pau, avec cinq cols de montagne sur les 197 kilomètres du parcours, et il a attaqué dès le départ, prenant Julio Jiménez, alors jeune débutant qui avait déjà fait ses preuves en remportant l’étape d’Andorre, et qui aspirait également à gagner le Grand Prix de Montagne.

Les deux Espagnols ont constitué l’échappée ensemble, soi-disant avec le pacte que Bahamontes prendrait du temps dans la ligne d’arrivée pour monter sur le podium, et que Jiménez passerait les cols en premier, mais le plan a changé quand El Relojero de Ávila a gravi les trois premiers cols et est devenu le leader provisoire des Montagnes. Selon Bahamontes, Jiménez a cessé de lui donner des relais et cela l’a convaincu d’attaquer au milieu de l’ascension de l’Aubisque. C’est là que l’Espagnol a faibli et que Bahamontes a fait cavalier seul.

L’Espagnol de Tolède a atteint le sommet du colosse pyrénéen avec près de six minutes d’avance sur les favoris, tandis que Jiménez perdait de plus en plus de terrain et recevait de la voiture l’ordre d’attendre les autres, qu’il n’y avait plus de cols vers Pau et qu’il n’avait rien à faire seul sur le plat. Le cycliste d’Avila a déclaré après coup qu’il s’était arrêté dans un bar pour attendre et « acheter un coca-cola et quelque chose à manger« .

Tour 1969 : Eddy Merckx se déchaîne et s’impose à Mourenx

Eddy Merckx
Eddy Mercks a fait ses débuts sur le Tour en 1969 et la même année, il écrivait déjà la première page de sa légende dans le Tour de France.

En 1969, Eddy Merckx fait des débuts fracassants dans le Tour de France. Le Belge a pris la tête du Ballon d’Alsace, lors de la sixième étape, et à partir de là, il a écrasé tous ses rivaux. Lorsqu’il atteint l’étape reine des Pyrénées, qui se termine à Mourenx, il a déjà gagné quatre étapes et mène avec plus de huit minutes d’avance, mais le 15 juillet, le Cannibale se réveille en colère : d’une part, sa femme Claudine est sur le point d’accoucher de leur fille et il ne peut pas la contacter ; d’autre part, il apprend que son meilleur grégaire, Martin Van den Bossche, va quitter Faema.

Merckx est furieux et ce jour-là, avant de s’élancer, il déclare : « Quand les autres atteindront la ligne d’arrivée, j’aurai pris une douche« .

Les ascensions de l’Aspin et de Peyresourde n’apportent pas grand-chose, mais au début du Tourmalet, Van den Bossche attaque et enflamme la Bête : Merckx réagit immédiatement, le dépasse comme l’éclair et s’en va en solo à 140 kilomètres de l’arrivée, avec le maillot jaune. On ne l’a vu qu’à l’arrivée à Mourenx, où il a repris 7:56 minutes au groupe des poursuivants, dont Van den Bossche. Assez de temps pour la douche promise.

Tour 1971 : Luis Ocaña étonne et surprend à Orcières-Merlette

Luis Ocana
Luis Ocaña a laissé 68 coureurs hors délais, obligeant les organisateurs du Tour à relever le pourcentage de temps afin de ne pas laisser la course dans une impasse ((Dutch National Archives, Creative Commons).

Le 8 juillet 1971 a lieu ce qui, pour beaucoup, est la plus grande performance cycliste de tous les temps, en raison de la manière dont elle s’est déroulée et du vainqueur, qui n’est autre qu’Eddy Merckx. Il a été signé par un Espagnol de Priego, ayant de profondes racines en France : Luis Ocaña.

Merckx arrive à cette 11ème étape du Tour tout près du jaune de Joop Zoetemelk, en bonne position pour chercher sa troisième victoire consécutive, et les organisateurs s’inquiètent d’une nouvelle démonstration de supériorité.

Mais certaines choses n’étaient pas en place : Merckx n’avait pas pu prendre le départ du Giro d’Italia, son traditionnel rodage, et il avait déjà souffert contre Ocaña pour gagner le Dauphiné. En plus de cela, l’Espagnol l’avait distancé de quelques secondes dans le Puy de Dôme.

Le coureur de Priego a donc bien compris que c’est le jour pour faire tomber le Cannibale, dans les 137 kilomètres parsemés de montées vers la côte de Laffrey et le col de Noyer, avant l’ascension finale. Au départ, Kas fait irruption dans la course avec José Manuel Fuente, et l’attaque démonte la Molteni de Merckx. Ocaña est ensuite passé à l’action sur Laffrey, où il a profité d’une attaque d’Agostinho pour prendre le leader Zoetemelk et Lucien Van Impe dans sa roue.

Merckx ne répond pas et Ocaña, qui pousse comme un homme possédé, mène les poursuivants vers Agostinho. Lorsque le quatuor a atteint le col de Noyer, le leader du Bic a augmenté l’intensité de la fête : il est parti en solo à soixante-dix kilomètres de l’arrivée, et à la moitié de la montée, il avait une minute d’avance sur le trio de tête. Au sommet, il est maintenant quatre et… presque six devant Merckx !

Ocaña grimpe à Orcières-Merlette dans un éclat de gloire, augmentant encore l’écart. Le résultat à l’arrivée est époustouflant : il remporte l’étape en moins de quatre heures et laisse 68 coureurs hors délais, obligeant les organisateurs à relever le pourcentage du temps limite de 12 à 15 % pour que la course ne soit pas menacée.

Les écarts sont tout aussi étonnants : 5:52 minutes au second, Van Impe, et 8:42 au groupe de Zoetemelk et Merckx, qui finit par dire : « Ocaña nous a tués comme El Cordobés tue les taureaux« . C’est la plus grande défaite du Belge, qui ne savait pas alors qu’il gagnerait à nouveau car le destin fatal d’Ocaña était écrit sur le col de Menté.

Tour 1994 : Induráin met le paquet à Hautacam

Miguel Indurain
Induráin avait une manière très particulière de laisser ses rivaux derrière lui sur les grands cols de montagne, en roulant toujours à un rythme soutenu (DenP Images, Creative Commons).

Miguel Induráin était en passe de remporter son quatrième Tour de France le 13 juillet : il avait fait une performance extraterrestre dans le contre-la-montre de Bergerac et portait déjà le maillot jaune. Mais la course venait à peine d’atteindre la moitié de son parcours et le coureur navarrais devait prendre un nouveau tour de vis dans les Pyrénées pour se démarquer davantage de son grand rival, le Suisse Toni Rominger.

Cette 11ème étape était longue, pas moins de 263 kilomètres, mais sa dureté ne s’est concentrée que sur le col final du Hautacam, une montée sans précédent de 16 kilomètres à 7,3%. Marco Pantani a attaqué sur les premières rampes. C’est l’Italien qui a provoqué la crise d’Induráin sur le Valico de Santa Cristina, juste après le Mortirolo, qui lui a coûté le Giro d’Italia cette année-là.

Le coureur navarrais a choisi de laisser faire, puis il a observé la souffrance de Rominger et a décidé d’agir : il a d’abord ordonné à Jean François Bernard d’augmenter le rythme, puis, lorsqu’il a vu que le Français ralentissait et que Laudelino Cubino en profitait pour attaquer, il a repris la tête de la première personne.

Il reste sept kilomètres à parcourir jusqu’au sommet et l’Espagnol ne regardera pas en arrière. Il a imposé un rythme étouffant qui a immédiatement fait tomber Rominger. Puis Alex Zülle, Piotr Ugrumov, De las Cuevas… A cinq kilomètres de l’arrivée, seuls deux Français, Richard Virenque et Luc Leblanc, lui résistent, et Pantani est déjà dans son viseur, à moins d’une demi-minute.

Induráin complètera la poursuite peu avant le dernier kilomètre, sans que l’Italien ne puisse suivre son rythme effréné. Leblanc remportera cependant le sprint de l’étape dans la brume à Hautacam.

Le coureur navarrais ne s’est pas soucié de tout cela : il a fait reculer Rominger de plus de cinq minutes au classement général, a devancé tous ses rivaux et a montré au monde entier qu’il pouvait aussi sortir le grand jeu en montagne.

Tour 1998 : Pantani vole sous la pluie sur le Galibier

Marco Pantani
Marco Pantani a remporté le Tour 1998 en battant Ullrich grâce à une attaque spectaculaire sur le Galibier (Hein Ciere, Creative Commons)

Le Tour de France 1998 est celui du scandale Festina, et le maillot jaune semble appartenir à Jan Ullrich, le jeune Allemand qui avait triomphé l’année précédente aux commandes du puissant Telekom de Walter Godefroot. Mais le 27 juillet, un petit grimpeur né au bord de la mer à Cesenatico a changé l’histoire sous la pluie et dans le froid des Alpes : Marco Pantani.

Ullrich a dominé le Tour. Il avait pris la tête du premier contre-la-montre, battant Tyler Hamilton et son grand rival, Bobby Julich, et peu de gens pariaient sur Pantani, malgré le fait que le flamboyant champion du Giro d’Italia avait gagné au Plateau de Beille et distancé Ullrich à Luchon. Mais le troisième coup du Pirate est arrivé, et cette fois, il avait des proportions colossales.

Pantani atteint le sommet en solitaire avec presque trois minutes d’avance sur Ullrich, mais voyant qu’il reste encore plus de soixante kilomètres à parcourir jusqu’aux Deux Alpes, il décide d’attendre Rodolfo Massi et Marcos Serrano afin d’économiser ses efforts dans la vallée. Arrivé aux Deux Alpes, il s’envole à nouveau dans la montée et franchit la ligne d’arrivée en solitaire, prenant un avantage décisif : près de six minutes sur Julich, près de neuf minutes sur Jan Ullrich…

Pantani a revêtu le jaune alors que l’Allemand est arrivé vaincu. Le lendemain, Ullrich lance une offensive très dure dans le col de la Madeleine, mais Pantani parvient à rester à sa place. La défaite de l’Allemand et la gloire du Pirate étaient déjà écrites sur le Galibier.

Tour de 2008 : Carlos Sastre entre dans la légende de l’Alpe d’Huez

Carlos Sastre
Carlos Sastre a gagné plus de 2 minutes sur Frank Schleck dans la montée de 12 kilomètres de l’Alpe d’Huez lors du Tour 2008, qu’il a fini par remporter (Celso Flores, Creative Commons).

La vie de cycliste de Carlos Sastre a changé le 23 juillet 2008, lorsqu’il a remporté le Tour de France de la plus brillante des manières et sur la meilleure des étapes : l’Alpe d’Huez. L’homme d’Avila était un grand cycliste, il avait réalisé plusieurs podiums dans les grands tours et était un habitué du top 10. Mais personne n’imaginait qu’il pourrait atteindre le sommet, qu’il pourrait être le meilleur dans la meilleure course, et encore moins qu’il le ferait sans être le leader de son équipe, la CSC.

Ce jour-là, c’était la 17e étape du Tour, une traversée des Alpes de 210 kilomètres qui partait d’Enbrun, en direction du colosse des 21 virages. Le matin, tous les doutes planaient dans l’équipe de Sastre, qui menait le Tour avec Frank Schleck, mais tous les rivaux le talonnaient, y compris le coureur d’Ávila, septième à 49 secondes. Le directeur, Bjarne Rijs, n’était pas clair sur la stratégie à suivre, et quand il a demandé à Sastre, il a entendu : « Je veux gagner« .

C’est dit et fait : Carlos Sastre a attaqué au pied de l’Alpe d’Huez, à plus de 12 kilomètres du sommet, comme il l’avait prévu. « Il était clair pour moi que je devais commencer par le sommet, sans attendre l’arrivée« , dira-t-il plus tard. Et il est parti en solo, sans regarder derrière lui et sans que Denis Menchov, qui a tenté de le suivre en vain, ne puisse le retenir. Derrière lui, dans le groupe des favoris, il n’y avait que beaucoup d’hésitation et de vigilance, personne ne bougeait de manière décisive : ni les frères Schleck, ni Cadel Evans, ni Alejandro Valverde…

Carlos Sastre est entré triomphalement dans la station de ski, remportant une victoire incontestée, 2:13 minutes devant Samuel Sánchez, qui a donné du temps au groupe de maillots jaunes.

Le précieux vêtement s’est retrouvé entre ses mains : leader avec 1:24 sur Frank Schleck, et 1:34 sur Cadel Evans, qu’il a pu contenir dans le contre-la-montre final à Saint-Amand-Montrond pour remporter le Tour de France avec 58 secondes d’avance. Un exploit que Carlos Sastre a voulu dédier à son beau-frère, le défunt Chava Jiménez : « C’est un rêve que nous voulions tous les deux, et je suis convaincu qu’il y a contribué« .

Tour de 2020 : Pogačar remporte la victoire à La Planche des Belles Filles

Pogacar en jaune
A.S.O./Pauline Ballet

Le Tour de France a écrit l’une des pages les plus choquantes de son histoire en 2020. Un Tour qui a dû être organisé en septembre à cause de la pandémie. Le moment épique a eu lieu lors de l’avant-dernière étape. Bien qu’il n’ait que 21 ans, Tadej Pogačar s’est distingué sur La Planche des Belles Filles. Un contre-la-montre de 36 km qui restera dans les mémoires pendant des années. Il a écrasé son maître, Primoz Roglic, lui ôtant le maillot jaune alors que la course semblait terminée.

Le Slovène a réduit un retard de 57 secondes et a été proclamé champion de l’édition la plus atypique de la course française. Le coureur des Émirats est devenu le plus jeune vainqueur de la compétition française depuis la Seconde Guerre mondiale. Le grand perdant de la journée est Roglic. Après avoir mené la course pendant douze étapes, il franchit la ligne d’arrivée avec un déficit de 1′ 56″. Le leader de l’équipe Jumbo n’a pas pu défendre la marge qu’il avait et a fini effondré, à 59 secondes de la première place sur le podium du classement général.

Son visage dépité et son casque mal placé resteront dans les mémoires comme une image symbolique de la défaite. D’une certaine manière, cela rappelait la défaite de Laurent Fignon en 1989. Alors qu’il avait gagné le Tour, le Français a fini par perdre la course pour huit secondes, étant dépassé par un superbe Greg LeMond dans le contre-la-montre final à Paris. C’était le Tour avec la victoire la plus serrée de l’histoire.

Written by
Tuvalum
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